jeudi 28 novembre 2024

6. Ode au chemin de fer

En train, on ne se déplace pas, on voyage.

Sifflet, à un, deux, des fois trois tons, généralement répété aussi triplement, lorsqu'on traverse un village, un passage à niveau, ou simplement pour annoncer ton départ, ton arrivée, ton son est un hymne. Le Tunis - la Goulette - la Marsa possède un des plus doux sifflement, semblable à une flûte de pan, reconnaissable parmi tous. Ainsi que pour les vieux connaisseurs, le défunt Leuk - Leukerbad, disparu il y a fort longtemps.

J'aime lorsqu'on démarre sans même s'en rendre compte. Ou à l'inverse, lorsqu'on croit partir alors qu'en fait c'est le convoi sur l'autre voie qui part en sens inverse.

Et d'entendre ses cheminots en parler avec passion souvent, dépit parfois, un vocabulaire propre a même été créé. On ne parle pas de ligne électrique, mais de caténaire où un pantographe sert de contact. Non seulement de roue, mais de bogies.

Combien d'écrivains, de cinéastes, peintres,  photographes, musiciens, d'artistes as-tu inspiré ? Cette poésie a jusqu'à engendré un genre musical - le boggie-woggie - lorsque le "te'dem-te'dem" (bis repartira) te fait danser, te berce. Où d'autres t'endors-tu entouré d'inconnus pourtant si proche, partageant juste ce convoi, des fois la même destin-ation, rêve similaire. C'est souvent quand tu t'arrêtes que l'endormi se réveille, quelque fois la tête lovée sur l'épaule de son voisin que tu n'as peut-être même pas entendu arriver. Oui, plusieurs fois ça m'est arrivé. Ou d'autre cela peut-il se passer ? Dans un bus aussi - voir "2. Tunisie 1ère étape" sur ce blog - mais il manque l'enchantement.

J'aime voir par la fenêtre les enfants, les vieux, tous ces gens, parenthèse hors du temps regarder fendre tranquillement l'horizon ce convoi. Comme dans cette fusée argentée, venue d'Algérie en Tunisie, trois fois par semaine après 30ans d'oubli. Seuls des automobilistes, incompris souvent stressés, pestent à ton passage.

Mais tous les autres doivent s'adapter, car excepté lors d'un croisement en voie unique, le train a toutes priorités.

Les paysages défilent et non l'inverse, où les voies en longues courbes doivent s'adapter, dû notamment à leurs faibles déclivités. Tandis que la route est absorbée, lui uniquement par des ouvrages d'art, ponts, tunnels, doit s'y fondre.

Les gares traversées sont souvent comme sortie d'un autre temps, jadis, idéalisé, d'un passé même colonisé.

Les manœuvres y sont effectuées si gentiment, avec une si grande précision - "vas-y refoule" - une gestuelle propre est née, qu'elles captivent même les plus grands et blasés enfants.

Lorsqu'un voyageur égaré court rattrapé le convoi déjà en marche, ou t'as juste manqué...

Le cliquetis des passages à niveau passent en un crescendo-descecendo. Chez nous par l'électronique relégué, ici le garde-barrière, pas même le train entièrement passé, de déjà remonter les barres blanc-rouge-blanc-rouge à ceux qui attendent ton passage.

Malgré des horaires relégués, un train à pas d'heure par jour pour Alger, des retards parfois accumulés, tes voyageurs persistent à penser que tu est irremplaçable.

Dans quel autre moyen de transport, peut-on si spontanément rencontrer, se taire des fois une heure absorbé par des paysages, d'autres pensées, puis reprendre une discussion animée. Excepté avec ses plus tendres amis, en toute autre situation un malaise se créée. Dans un bateau sans doute me répondrez-vous. Et d'aquiesser, mais on parle-là encore d'un autre espace temps. Parce que là, même en un instant sur un quai, un contact peut s'être déjà fait. Tes passagers de ton comfort sont convaincus, ton prix, ta rapidité, se permettant même de te tutoyer. Les autres en doutent toujours et pourtant d'un coeur à l'autre tu te rends. On peut ici aussi fumer, marcher, se rendre au WC... tranquillement manger, boire (...), se laisser conduire par un mécanicien, pilote, chauffeur privé ou publique qu'on a à peine le temps de percevoir.

Marchandise ou passager, pluricententaire tu es toujours si efficients, que même les plus récalcitrants reviennent en arrière. Quel autre objet qu'une voie n'a aussi peu changé avec le temps dans notre société moderne, globalisée ? Les prisons, même si elles peuvent être aujourd'hui climatisée ou d'un téléviseur équipée.

Les traverses ont aussi changé, même si celle en bois sont toujours panacée.

Dans les courbes tel un gracieux valet devant sa belle tu t'inclines. Même en deuxième, tu as la classe. Niveau sécurité tu te classes parmi les premiers. Au bord d'un précipice sans barrière tu files. Lorsque tu dois prendre de l'altitude, en perdre selon le sens, à flanc de coteau tel un bisse tu dessines sur les monts un horizon décomplexé, ponctué s'il le faut d'un tunnel hélicoïdal, nous faisant perdre les sens. Tu vas faire perdre l'essence.


avec le Chef de Train et sa lanterne plus que centenaire, en Gare de Constantine

Au détour d'un viaduc, d'un passage pas tout à fait à niveau tu tressautes comme pour nous rappeler, même aux voyageurs les plus ancrés, qu'ils perdent là, l'espace d'un instant, les deux pieds sur terre. Tu es bien vivant.

5. Annaba et Constantine la magnifique

on n'est jamais mieux servi que par soi-même 

à contre-cliché : deux musulman se draguent dans la basilique St-Augustin d'Annaba !
1ère par contre, une télé montrant des images de la Suisse, oui - ici le Glaciers d'Aletsch - entre-coupé de pub pour une marque d'électronique

ou

l'église sans limite

ils se tiennent vraiment juste à la corde et sont vraiment juste assis sur une planche, à vraiment repeindre un bâtiment !!
celui d'en-haut pose vraiment en me faisant coucou...ils m'ont vraiment fait peur

ou simplement

vraiment ?

L'hôtel Liberté (chouia) où je séjourne 2nuits.
Étant sans doute un des premiers gahoris - vraiment étranger - à passer la frontière à Souk Ahras, les contrôles policiers et douaniers se sont enchaînés les premières 24heures (uniquement). 2 policiers sont aussi venus soir et matin à l'hôtel voir "si tout allait bien"... pour ceux qui me connaissent, je vous laisse imaginer ma réaction matinale : dernier contrôle !-)

petite place du centre-ville

puis taxi collectif pour Constantine, étant donné qu'il n'y a qu'un train de nuit entre ces deux grandes villes algériennes, arrivant bien trop tard... mais je préférais ce bus vu à l'arrivée à la gare routière
ndlr. le bâton que tient le conducteur sert de clé !

au centre-gauche, mon hôtel à Constantine
avec au deuxième étage, ma chambre dans l'arrondi !

vue sur Constantine l'extraordinaire avec ses immeubles au bord du gouffre
ndlr. on observe au fond les ruines du pont romain

deuxième vue sur Constantine l'imprenable
et pourtant toutes les civilisations de passage dans l'coin l'ont forcément conquises...

ombres sur une des plus vieille ville au monde
ndlr. comme tous ces lieux mythiques - excepté le vendredi - presque toute la ville est un grand marché

falaise avec au milieu, un garage

restants humain dans urne ouverte, stèles Numides et petit radiateur au musée Cirta, non francisé de la ville, donné jadis par les Phéniciens

I ❤️ Constantina
(si vous regardez bien sur le rond-point, n'ai pas réussi à faire mieux...)

pas de train - contrairement à l'article précédent... - juste le nouveau tram de la ville

même vues d'en-bas, les falaises d'environ 200mètres sont vertigineuses

deux ponts superposés, un naturel, l'autre pas, mais tout deux suspendus

autre cavité avec cascade

les trois ensemble

Cirta aujourd'hui ?

pourtant idéal vu sa topographie, le téléphérique Garaventa - technologie suisse - quasi neuf est à l'arrêt depuis des années

le même garage de plus près
histoire d'y croire vraiment...

4. Train Tunis - Annaba

Hasard ou non et je n'en savais rien en rêvant ce voyage, c'est en août dernier, il y a moins de trois mois, que le train direct reliant la Tunisie et l'Algérie reprend du service, après un arrêt de plus de 30 ans...

Avec le Djibouti - Addis Abeba (capitale de l'Éthiopie), il est à priori - dixit le contrôleur - le seul train international du continent.

Départ à 08.25 de la gare Tunis Barcelona
7 wagons attelé à 2 locomotives "si jamais"...

Beja - Jendouba - Ghardi-Maou,
comme la toute première en 2015 avec Aymen (voir sur ce blog)

une courbe
même si j'adore les lignes droites
peut-être parce qu'il n'y en a pas beaucoup par chez moi...!?

un pont vers Beja

le pont vu d'un peu plus loin

Après 3heures d'attente, la 1ère frontière est passée...

1er cliché algérien 

2ème...j'aurai dû préciser, cet article est 100% ferroviaire...

virage avec ombre du wagon sur la droite.
mais n'hésitez pas à me dire en commentaire si j'exagère

Xxx

paysage vu du train, sans train, ni voie...
si je n'avais pas précisé vous n'auriez sans doute pas su !?
ou ce cliché aurait pu s'intituler :
nature vivante, prémices d'automne

ombre centrée sur courbe légère
les non-ferrovipathes, n'hésitez pas à passer à l'article suivant garanti sans train
même si c'est mon cliché préféré !-

no comment

Le train du far west continue vers Souk Ahras de l'autre côté, première ville d'Algérie.

Je ne vais pas m'arrêter mais y laisse après encore 2 heures de palabres et autant de retard, mon compatriote, l'autre étranger du convoi, sans visa agréé - quand l'électronique ne résout pas encore tout - 
...son 181ème pays, l'Algérie pas la lune, mais juste un pied posé.

ndlr. même si j'ai "participé" au retard du convoi, je précise quand même que c'est un algérien, pas trop en règle depuis 5ans en Tunisie qui en est la principale cause !-)

Le temps de sympathiser avec le personnel passionné de même visiter les machineries, personnel only.

Il fait déjà nuit depuis longtemps et les passagers du wagon tous ensemble retrouvés autour d'une discussion endiablée, me prennent à parti. Tous sauf un, mon contemporain pourtant - certes du siècle dernier - sont d'accord qu'une femme peut travailler !
"Le monde a changé."
oh les bonnes vaches suisses, conclut-il.
les meilleures limes du monde, dixit un armurier.
Tunis altitude 0, col à 900m, 350km pour se retrouver à 0 à Annaba.

mardi 26 novembre 2024

3. Jugurtha et Dougga, retour à Tunis

C'est il y a quelques années depuis la ville voisine d'El Kef, lors du Sicca Jazz Festival (voir sur ce blog), que j'aperçois pour la première fois cette montagne vraiment unique. Sorte d'Higher Rock tunisien, avec en son sommet un plateau de 80 hectares dont je n'avais jamais ouï dire. Je me décide donc cette fois à plus m'en approcher, si possible y grimper... Même de loin, on sent qu'elle est un aimant depuis bien longtemps et pourtant, j'en ai vu des montagnes spectaculaires. L'histoire de cette dernière paraît peu claire, malgré de nombreuses recherches archéologiques. Mais si un petit suisse (...rien à voir avec le yogourt) a été si attiré par Jugurtha, tout humain passant dans le coin l'a sans doute aussi été !- Forteresse naturelle, lieu d'observation, de culte, greniers, escargotières, elle doit son nom - depuis les années 1900 seulement - à un roi Numide qui aurait ici guerroyé et résisté à l'empire romain. On y trouve de nombreux vestiges : dolmens préhistoriques, cavités numides, ruines moyennageuses, berbères, bysanthines, arabes, Françaises (ils ont même osé y ouvrir une mine...).

Et comme depuis mon arrivée dans le coin, c'est un véritable jeu du chat et de la souris qui commence avec deux soldats de la garde nationale "pour ma sécurité". Me faisant pensé au bons vieux soldats chassant Zorro. Toutes la journée, ils ont tenté de me suivre. J'étais cette fois prêt psychologiquement et les ai fait transpiré comme jamais m'ont-ils dit. Alors que je faisait une sieste à l'ombre d'un rocher, ils sont passés à quelques mètres sans me voir. Un peu plus tard, le plus hardis arrive à ma hauteur alors que je discute avec un berger rencontré un peu plus tôt. En sueur, il s'en plaint et me propose même de soupeser son vieux fusil mitrailleur de 7kg !!! Forcément, je refuse et son arme n'étant sûrement pas chargée... continue mon chemin, les mains en l'air. Il tente de m'arrêter, "vas-y tire", je ne serai pas le premier à mourir ici. Puis croyez-moi ou non, alors que j'implore Allah et tente un "Lalailallaha Mohamed Rassulala" (sourate qu'on prononce pour de convertir...ou avant de mourir) dans une variante quelque peu Sheitan...un triple éclair fend le ciel juste après. Premier d'une longue série, une tornade se forme même au loin !! Ouahh tête du type, la mienne aussi sans doute...passant de Zorro à Tintin lors de sa condamnation dans "le Temple du Soleil". Il reste coï, j'en profite pour continuer mon chemin, les mains toujours en l'air implorant mère nature. Il me suit tant bien que mal jusqu'au début de l'escalier menant au sommet.

Il me laisse en paix 2 bonnes heures. N'ayant qu'un accès, je ne vais de toute façon y couper. Le sol est couvert de coquillages fossilisés. Une coccinelle, je fais une offrande, le ciel est noir, gronde tandis que la Table brille, moments magiques, tout va bien se passer. "Sur les ordres de leur chef", ils montent finalement me chercher. Et c'est au centre d'un cercle parfait 👌 , merveille géologique, qu'ils me rejoignent. Après encore un échange un peu houleux, ils sont finalement d'accord que même en Tunisie on a le droit de marcher tout seul dans la montagne ! Que je n'ai rien fait d'illégal. N'ayant "rien mangé de la journée", je leur donne ma tabouna - pain plat rond - restante et des petits fromages.

Nous allons même jusqu'à philosopher sur l'intelligence, "sport d'esprit", doit-on toujours suivre les ordres ? Un mensonge ou une approximation plutôt peut-elle faire l'affaire !? Nous visitons encore des grottes, la mosquée - "ça c'est vraiment haram - interdit - pour des miliciens", leur dis-je !!!

Ils m'avouent même n'y être jamais entré et chose très rare en Tunisie, ne pas aimer ça !!! A condition de ne vraiment plus avoir de problème après, j'accepte un dernier tour en 4x4, retour à la case départ.


aux pieds de la Table

comme si ça ne suffisait pas...encore un dolmen

victime de l'érosion et au loin l'Algérie 

tombé du ciel

nature morte ou roche parfaite pour une sieste à l'ombre

aux pieds de la Table, côté face

jeux de lumière

décrochement vu d'en-haut

piscine réservoir d'eau

la table

l'orage nous entoure

offrande


Deux jours plus tard - même si je serai bien resté plus longtemps - j'arrive au Kef pour décompresser.
Ndlr. Ville connue pour ses bars.


au plus tranquille à la Médina d'El Kef

pénurie d'eau depuis 7ans, dans tout le gouvernorat, quasi permanent dans sa capitale...et ce n'est que le début.


Je pars ensuite en bus pour Dougga.


site archéologique UNESCO de Dougga
lieu phare toutes les civilisations sont passées de la préhistoire à nos jours, ainsi que Carthage et Constantine

campement face aux ruines


Et retour à Tunis...


3 auto-stoppers et chacun sa direction !-

au plus tranquille dans le train du retour Gaafour - Tunis

très longue ligne droite

très longue ligne droite bordée d'arbres 

les 100 noms de Dieux, chapelet ancien et moderne, tous deux chinois...

"réplique des clous, de la couronne" dans la cathédrale de Tunis

encore un, fin de la trilogie

prêts au décollage ?

l'immense cimetière juif de Tunis

autodafé au musée abandonné, cimetière des trains tunisiens

maison auto-construite à Manar 2 dans la banlieue de Tunis dès 1984 par un amateur hors sérail, unique au monde !!

l'intérieur aux influences italiano-amériacano-tunisienne

aussi assez unique, la Place de la Monnaie au centre-ville de Tunis et ses deux gommiers géants